Pourquoi l'enfant écrit ?

-Pourquoi l'enfant dès le plus jeune âge cherche-t-il à laisser une trace ? Comment l'enfant passe de la trace au tracé, puis du tracé au dessin des lettres ?  En quoi le dessin du bonhomme est-il un passage nécessaire pour accéder à l'écriture et l'affirmation de son identité ?

A 18 mois, l'enfant fait semblant d’écrire

-Ecrire suppose de laisser une trace sur un support, le plus souvent une feuille. L'enfant commence à investir la notion de trace vers 18 mois. A cet âge là, ce qui le mobilise le plus, c'est de prendre cette forme d'outil dont il perçoit l'importance pour les parents. Il s’agit donc plus de s'approprier le stylo que de véritablement laisser une trace. Et le jeune enfant laisse une trace, il ne s'y attarde pas.

Le dessin du bonhomme, représentation de soi et prémisse de la signature

-Le tracé suppose que l'enfant ait un mouvement délibéré de tracer une forme. Ce mouvement apparaît avec l'appropriation du langage. Cela veut dire que l'enfant va vouloir représenter sur la feuille quelque chose qu'il désigne déjà par un mot. "Je vais te faire un bonhomme". Le trait est véritablement investi dès lors qu'il est destiné à se représenter soi-même. Le trait de l'identité apparaît entre trois et quatre ans donnant des formes comme des bonhommes têtards : rond muni de tentacules qui sont les figurations du bonhomme avec, dans le rond, les traits du visage.  L'enfant désigne alors les yeux, le nez, la bouche. De ce rond primaire, surgiront les bras et les mains, puis le corps, le ventre, les jambes. C'est dire le long parcours que doit élaborer l'enfant pour arriver à l'image du bonhomme autour de l'âge de 4-5 ans.

Se re-présenter dans sa tête : du dessin au tracé des lettres

-L'écriture suppose que l'investissement de la main ait énormément évolué. La main sert d'abord à tenir. C'est elle qui assure de la présence, main dans la main. Puis la main devient plus autonome dans une certaine distanciation du corps. Elle va servir à tenir des objets jusqu'au jour où elle sert à tenir des objets qui servent à écrire. C'est dire que l'enfant est devenu capable d'imaginer la distance. En effet, représenter au départ s'écrit en re/présenter, c'est à dire représenter dans sa tête, dans son esprit quelque chose qui n'est pas forcément présent. L'enfant peut se re-présenter un objet, un animal absent, une personne en le figurant par son dessin. C'est un pas énorme. Delà à pouvoir concevoir qu'il va pouvoir se représenter lui-même à travers des signes graphiques : le chemin est vertigineux dans le psychisme de l'enfant.

Ecrire de son prénom et affirmer son identité

-C'est pourquoi l'enfant va pouvoir aborder le graphisme en passant d’abord par l’écriture de son propre prénom. Il commence à investir les formes graphiques en se mettant lui-même au centre de sa préoccupation. Il va utiliser ce qu'il a déjà acquis comme maîtrise par le dessin : il va donc commencer par dessiner les lettres. Et c'est la superposition de ce dessin avec la lecture effectuée par l'entourage qui l'amènera à concevoir que lui-même est représenté au travers d'un graphisme. Il dessine la forme des lettres qu'il copie et l'adulte lui dit qu'il a écrit son nom.

Les Enfants sont Créateurs de leur Histoire

-L'enfant écrit pour affirmer son identité et sa place au sein de la famille. L'écriture est le résultat d'un long processus psychique, la capacité de se re-présenter dans sa tête quelque chose qui n'est pas forcément présent.  L'écriture commence avant la lecture, qui représente une une forme d’abstraction plus élaborée. En effet, la lecture suppose de lâcher la forme graphique pour s’intéresser au sens phonétique. L'enfant évolue du visuel au sonore.